Julien Franck

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Julien Franck
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 64 ans)
AuschwitzVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Julien FranckVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Domicile
Formation
Faculté de médecine de Nancy (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activité
Autres informations
Conflit
Taille
1,76 mVoir et modifier les données sur Wikidata
Cheveux
Yeux
Lieux de détention
Distinctions

Julien Franck, né le et mort pour la France le en déportation à Auschwitz-Birkenau, est un médecin français qui exerce à Champigneulles, commune au Nord de Nancy.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille et origines[modifier | modifier le code]

Les Franck descendent d’une famille française de confession juive arrivée en Lorraine depuis de nombreuses générations. Originaires de Delme, certains s’installent à Champigneulles où ils exercent la profession de marchand de bestiaux de père en fils depuis le XIXe siècle[1].

C’est à cet endroit que Julien Franck voit le jour le . Ses parents sont Émile Franck, né en 1852, vendeur de bestiaux et Adèle Elise Bloch. Ils ont trois fils : Ferdinand, né en 1878 -il est le dernier vendeur de bestiaux de la famille-, Julien et Georges, né en 1882 qui devient ingénieur des Arts et métiers[1].

Julien Franck se marie le 17 mars 1908 à Blanche Elvire Boch, de religion juive et originaire d’Ingwiller (Bas-Rhin), issue elle aussi aussi d’une famille de marchands de bestiaux[1].

Le couple a un fils, Claude Franck, né le 6 août 1910. Ce dernier exerce, entre autres, comme professeur de physiologie à la Faculté de médecine de Nancy et meurt en 1996 à Marseille, à l’âge de 86 ans. Les petits-fils de Julien Franck, Michel et Robert, deviennent aussi médecins ainsi qu’un de ses arrière petits-fils[1].

Parcours professionnel[modifier | modifier le code]

Julien Franck fait tout son cursus scolaire à Nancy.

Ses parents l’encouragent à faire des études supérieures : après le baccalauréat, il entre à la Faculté de médecine.

Il décroche son titre de docteur en 1907 en soutenant une thèse sur la grossesse intra-utérine[2].

Il ouvre son cabinet à Champigneulles.

En tant que médecin, Julien Franck est très apprécié. Il est très ami avec l’autre médecin de la ville, le docteur Brady. Ses patients sont surtout des ouvriers qui travaillent à la brasserie de Champigneulles, dans l’usine de Pompey ou dans les mines de fer des environs.

Julien Franck travaille beaucoup. Il encourage son fils, Claude, à suivre la même carrière que lui.

Ce dernier préfère le travail en laboratoire et la recherche expérimentale. Il s’oriente donc vers la physiologie, il obtient ainsi son agrégation de physiologie en 1939 à 29 ans[2].

Julien Franck et la Première Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

La Première Guerre mondiale, qui éclate en 1914, plonge Julien Franck dans le monde militaire.

Il est mobilisé et envoyé au front comme médecin-major de 2e classe au 20e corps d’armée. Il est ensuite médecin-major de 1re classe au 224e régiment d'infanterie. Le , il est blessé à la butte de Tahure[3], ce qui lui vaut d'être cité à l'ordre du jour de la brigade[4]. En 1916, notamment, il sert lors de la bataille de Verdun.

Le , il est nommé chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire pour sa conduite lors du conflit[5].

Julien Franck dans la Seconde Guerre mondiale : résister à la déportation[modifier | modifier le code]

Julien Franck a 61 ans lors la déclaration de guerre. Il reste donc civil et décide de rester à son poste de médecin afin de continuer à s’occuper des Champigneullais.

Nancy est en zone interdite, sous l’ordre de l’administration allemande et des lois françaises, notamment les lois antijuives d’octobre 1940 mise en place par Pétain et l’État français.

Julien Franck est donc obligé de se déclarer aux autorités civiles[6] et de coudre sur sa veste l’étoile jaune.

Leur fils, Claude, incorporé dans un régiment de la Ligne Maginot, à la suite de la défaite de mai-juin 1940, est démobilisé dans le secteur de Montpellier.

Julien et Blanche Franck sont alors séparés de leur fils qu’ils ne reverront malheureusement jamais.

La situation des juifs en France se complexifie. Fernand Rombach, alors capitaine de gendarmerie, ami de la famille Franck, comprend très vite que ses amis sont en danger.

Il raconte : « Au mois de février 1944, un dimanche matin, je me suis rendu en voiture depuis Paris chez le Docteur Franck. [ ... ] M’appuyant sur les informations relatives à quelques-uns de mes camarades et amis, tous officiers de réserve qui avaient été arrêtés, je lui ai proposé de les ramener chez nous à Vincennes. » Mais Julien Franck lui a répondu : « Ce n’est pas possible. Mon devoir est de rester ici. Avec mon confrère Brady, nous avons la responsabilité de plusieurs milliers de famille. »

Fernand Rombach insiste notamment en lui parlant de la cruauté des nazis en Allemagne, la «Nuit de Cristal», les interdictions qui frappent les juifs. Julien Franck n’entend rien et ajoute : « Je suis officier français, certes de réserve. J’étais à Verdun en 1916. Je suis chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire. On n’osera pas me toucher. Enfin un médecin ne déserte pas même lorsqu’il a quitté l’uniforme. Revenez la semaine prochaine ». Ferdinand Rombach revient donc la semaine suivante mais la décision de Julien Franck ne change pas, il déclare « Ma décision est irrévocable, nous restons ».

L’arrestation[modifier | modifier le code]

Les époux Franck sont arrêtés lors de la rafle de Nancy.

Des voisins rapportent que l’un des « policiers » en civil a arraché le ruban de légionnaire du docteur Franck.

Philippe Martin, premier adjoint au maire, raconte qu’ « un civil inspectait le logement et après avoir fermé les portes par M. Franck prenait les trousseaux de clés et faisait sortir M. et Mme Franck en les dirigeant vers une auto placée devant la maison. À la sortie du couloir, je m’avançais près de M. et Mme Franck pour leur adresser quelques paroles réconfortantes. Ce civil me dit alors « Circule ou je te fiche en l’air ». Après avoir placé dans la voiture ces 2 prisonniers, ce civil jette un regard vers les fenêtres et dit au gérant de l’épicerie en dessous « tâchez qu’il ne se passe rien ou gare ». Le lendemain en passant devant l’immeuble, j’ai été surpris de revoir ce même civil qui avec un camion surveillait le déménagement d’où il se dirigeait vers Nancy[2]. » À cette date, les frères de Julien Franck ont déjà quitté Champigneulles.

La déportation[modifier | modifier le code]

Après leurs arrestations, les époux Franck sont emmenés au camp d’internement d’Écrouves, près de Toul où les conditions d’enfermement sont très difficiles.

Cependant, le Docteur Julien Franck ainsi que deux de ses confrères, continuent d’exercer au sein du camp pour soigner les détenus et les réconforter.

Le 30 mars 1944, Julien Franck et sa femme, Blanche, sont conduits à la gare de Toul, ils partent, pour le camp de transit de Drancy qui regroupe pour la France les populations arrêtées en vue de leur déportation en camp de concentration.

Le 13 avril, Julien Franck et sa femme sont déportés à Auschwitz (arrivés le 16 avril), dans le convoi numéro 71, le même convoi que Simone Veil[7].

Julien Franck est répertorié sous le numéro 3106 et Blanche Franck sous le numéro 2978[8].

Considérés comme « improductifs » en raison de leur âge, ils sont dirigés vers les chambres à gaz d'Auschwitz-Birkenau en application de la « solution finale ».

Ils meurent le 19 avril 1944, ce dont témoigne le registre de l’état civil de la mairie de Champigneulles, avec la mention « Mort pour la France[9] ».

Par son refus de quitter Champigneulles, alors qu'il en a la possibilité, pour continuer à soigner ses patients.

Par son attitude héroïque, lors de sa déportation, au cours de laquelle il a pris soin de ses compagnons de déportation.

Julien Franck, a, à sa façon, résisté à la déportation. Son courage et ses valeurs humanistes ont triomphé de la barbarie nazie.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Postérité[modifier | modifier le code]

Son nom est donné au collège de sa ville de Champigneulles. Ce collège se trouve au 36 rue de Nancy, la même rue où se trouvait son cabinet.

Collège Julien-Franck.

Publications[modifier | modifier le code]

  • Contribution à l'étude des hémorrhagies rétro-placentaires, Nancy, Louis Kreis, , 127 p. (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Mémorial de la Shoah, Portrait de Julien Franck (page), Mémorial de la Shoah, 2020, https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=id:567887. Consultation : janvier 2024
  • Schmitt Jean, JULIEN FRANCK (1879-1944) UN OMNIPRATICIEN ESCLAVE DE SON ENGAGEMENT OU L’IMMOLATION SUR L’AUTEL DE LA MEDECINE (page), professeurs-medecine-nancy[1]. Novembre-décembre 2023
  • Arbre généalogique réalisé par M.Michel Franck, petit fils de M.Julien Franck

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Arbre généalogique réalisé par M.Michel Franck
  2. a b et c Jean Schmitt
  3. Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, fiche matricule no 927.
  4. « Champigneulles », L'Est républicain,‎ (lire en ligne)
  5. a et b « Cote 148322 », base Léonore, ministère français de la Culture
  6. Registre des personnes israélites.
  7. Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France.
  8. Serge Klarsfeld, Mémorial de la déportation des Juifs de France.
  9. Transcription du numéro 29 d’un extrait de l’acte 424 à partir du registre du bureau de l’était civil des Déportés.